26.12.15

Chanson de la plus haute Tour



Oisive jeunesse

À tout asservie,

Par délicatesse

J'ai perdu ma vie.

Ah! que le temps vienne

Où les cœurs s'éprennent.



Je me suis dit : laisse,

Et qu'on ne te voie : 

Et sans la promesse

De plus hautes joies.

Que rien ne t'arrête

Auguste retraite.



J'ai tant fait patience

Qu'à jamais j'oublie;

Craintes et souffrances

Aux cieux sont parties.

Et la soif malsaine

Obscurcit mes veines.
Ainsi la Prairie


À l'oubli livrée,

Grandie, et fleurie

D'encens et d'ivraies,

Au bourdon farouche

De cent sales mouches.



Ah! Mille veuvages

De la si pauvre âme

Qui n'a que l'image

De la Notre-Dame!

Est-ce que l'on prie

La Vierge Marie ?
Oisive jeunesse


À tout asservie,

Par délicatesse

J'ai perdu ma vie.

Ah! que le temps vienne

Où les cœurs s'éprennent.

Arthur Rimbaud > Chanson de la plus haute Tour (mai 1872)

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